Article original publié suer Facebook le 1 décembre 2011
Aujourd’hui, jeudi 1er décembre 2011, la première case du calendrier virtuel de l’Avent affiche ce mot avec insistance : INTIMIDATION.
C’est que plusieurs histoires tragiques ont circulé ces derniers jours, des histoires d’insultes, de bousculades et de menaces, des histoires de mort. Pour mes amis qui n’habitent pas au Québec – et pour ceux qui sont en grève de médias -, une jeune fille de 15 ans s’est suicidée après avoir subi plusieurs années d’intimidation à son école. Réveil brutal de l’opinion publique, malgré le caractère malheureusement classique du fait divers.
Les réseaux sociaux étant ce qu’ils sont, chacun y va de son indignation, de son point de vue, et, souvent, de son anecdote personnelle. Mes enfants ont vécu ceci. J’ai moi-même souffert de cela.
Et chaque parole contribue à guérir un peu ce cancer social. C’est ce qui me pousse à ajouter mon propre témoignage, trop long pour être un simple statut Facebook. Ce n’est pas un témoignage de père, même si ma fille m’a déjà rapporté des incidents qui relevaient clairement de l’intimidation. C’est l’ado que j’étais qui parle, et rien de ce qu’il dit n’est original ni terrifiant.
Je tiens à préciser que je ne me suis jamais considéré comme une victime.
À Paris, quand j’avais 13 ans, le caïd de la classe (plus vieux, plus grand et plus fort que moi) m’a «intimidé» pendant plusieurs mois. Il s’appelait Nestor. Pas un méchant absolu, mais un jeune homme dans un trip de mâle dominant. Il faut dire que c’était une époque franche où tous les enfants en surpoids s’appelaient Bouboule et ou les filles les moins jolies étaient des «cageots».
Le point culminant de ces agressions, c’est le jour où Nestor m’a plaqué brutalement contre un mur pour me voler un objet qui m’appartenait. Je me suis senti vulnérable et humilié. J’en ai parlé à mes parents. Le lendemain, mon père est venu me chercher à l’école en moto. Je ne me souviens plus de la suite mais j’ai fini par entrer au lycée, loin de Nestor.
Aujourd’hui, en cette journée improvisée contre l’intimidation, je me suis demandé comment cet incident ne m’a pas plus affecté. Ma réponse est un peu absurde : ayant deux frères plus vieux, j’ai toujours eu l’habitude d’être le petit, le faible… et de me plaindre à mes parents. Le contexte familial m’avait poussé à comprendre ce qui est si difficile à enseigner aux jeunes : en parler à un adulte responsable avant que ça devienne intenable.
L’intimidation existe depuis que l’homme vit en société; on en trouve même des exemples chez les animaux. La communication, elle, n’est pas instinctive. Elle doit être provoquée. C’est difficile à croire quand on a 13 ans, mais elle résout plus de problèmes que le suicide.
Comme on dit, à vous la parole.