Presque en cachette, c’est-à-dire sans communiqué officiel, le géant de l’électronique et les télécommunications Motorola Inc. rafraîchit son logo.
Retour en arrière. Fondée en 1928 à Chicago sous le nom de Galvin Manufacturing Corporation, l’entreprise adopte en 1930 le nom très vintage de Motorola. Elle invente le walkie-talkie en 1941 et lance un poste de télévision grand public en 1950, entre autres choses.
Les premières versions du logo utilisent différentes formes de scriptes. En 1955, le graphiste renommé Morton Goldsholl repense la marque et donne naissance au M que nous connaissons tous et qui porte fièrement le surnom de «batwings» (ailes de chauve-souris). «Il doit pouvoir attirer l’attention du public – consommateurs, distributeurs, revendeurs, passants ou employés de la compagnie – [et] il doit posséder assez de force graphique pour durer», explique Goldsholl. Défi relevé. Ce M pointu et très daté s’inscrit dans la lignée futuriste de Calder. En 1967, un cercle est ajouté pour contenir ce symbole et, en 2001, le contour rond devient un disque plein sur lequel le M apparaît en inversé (clair sur foncé).
Mais jusque-là, la couleur ne fait de timides apparitions – souvent pour distinguer les sous-marques -, et la typographie utilisée est une variante massive et discutable de l’Helvetica grasse italique. Disons qu’il ne fait pas dans la subtilité.
En août 2011, alors que Motorola perd du terrain dans le marché hyper-compétitif de la téléphonie cellulaire, Google procède à son acquisition moyennant la coquette somme de 12,5 milliards de dollars. Comment survivre dans l’ère mobile avec un logo des années 50, c’est la question à laquelle tente de répondre cette nouvelle proposition graphique.
Il semble exister deux versions de ce nouveau logo : une avec un disque mauve et une avec un contour multicolore.
Premier constat : on a renoncé à se débarrasser de Batman des batwings. Le cercle aussi a survécu.
Deuxième constat : exception faite du premier constat, tout ce qui pouvait être changé l’a été, et la symbolique graphique opère un virage à 180 degrés.
C’est là que ça devient intéressant. Le logo Motorola traînait le lourd héritage des produits manufacturés et communiquait essentiellement la force, la solidité et la simplicité. Un symbole agressif, beaucoup de noir et un peu de rouge, une typo pataude dont l’inclinaison n’arrivait pas à compenser le caractère lourd et écrasé.
Mais pourquoi opérer un revirement stratégique complet? La réponse tient probablement dans le…
Troisième constat : Motorola est désormais une Google company.
Et il ne suffit pas de l’écrire bien lisiblement sous la marque : il faut que ça saute aux yeux! Alors le bureau de design – non crédité à ce jour – puise sans retenue dans tous les clichés du design numérique. Comme on ne peut pas arrondir le M, on en diminue le contraste. Le noir/rouge du disque laisse place soit à un mauve qui plaira aux hipsters, soit à une farandole de couleurs pastelles, quelque part entre Québec Solidaire et la fierté gaie! De son côté, la typo majuscule, noire, massive et inclinée laisse place à son parfait contraire : des lettres minuscules, grises, fines et verticales, remarquablement dépouillées malgré une très légère fantaisie sur le a. Et trois beau o presque ronds. Bref, on est tellement avancés dans l’élégance minimaliste et diaphane que le nom «motorola» semble n’avoir rien à faire là-dedans! En fait, même le logo Google paraît quasiment trop compliqué.
Cet avant/après est donc l’histoire accélérée d’une entreprise parmi tant d’autres qui passe du plastique graisseux à l’ère virtuelle en essayant de conserver son identité. Y parviendra-t-elle? Mon intuition me dit que la réponse appartient plus aux actionnaires qu’aux graphistes…