Mardi 10 janvier 2017, Infopresse dévoile le logo des 20 ans de Grafika, le concours qui célèbre le meilleur du design québécois. La réponse est immédiate, tant sur le site dʼInfopresse que sur les réseaux sociaux : moche, vieillot, pauvre, décevant, scandaleux, pathétique. Certains menacent de retirer leurs pièces du concours, tandis que dʼautres vont jusquʼà soupçonner quʼil sʼagit dʼun stunt.
Mercredi 11 janvier, pour juguler une crise potentielle dans le petit milieu de la création québécoise, lʼéquipe de rédaction donne raison à ces derniers : ce pseudo logo est lʼœuvre dʼun site à rabais qui vous bricole un logo en quelques minutes pour 5 $. Du fast food pour les yeux, ou le produit d’un dollarama du design, comme jʼaime à les appeler affectueusement.
Le coup était orchestré par lʼagence lg2, avec la complicité de lʼéquipe dʼInfopresse et de quatre lanceurs dʼalerte – dont je faisais partie –, qui avaient pour mission de partager le logo honteux pour stimuler la grogne des créatifs. Le but de lʼopération était bien sûr de dénoncer la pratique des logos à rabais.
Par souci corporatiste? Non, comme lʼécrivait Arnaud Granata : « le design, c’est d’abord et avant tout un métier, une expertise qu’il faut protéger. Depuis 20 ans, date de création du concours Grafika, les jurys s’efforcent de récompenser ce qui se crée de mieux au Québec en matière de design graphique, pour que le meilleur inspire, puis donne l’envie d’emboîter le pas ».
Il faut comprendre quʼun logo nʼest pas quʼun truc décoratif. Cʼest une identité, le condensé dʼune marque et un signe de reconnaissance. Avant tout, cʼest un outil de communication – communication entre la marque et le public, mais dʼabord communication entre un client et un graphiste ou une agence. Le client dépose son ADN entre les mains des créatifs en exprimant sa personnalité, ses aspirations, ses attributs et ses valeurs. Cʼest de cette matière que naîtront le futur logo et la future identité. Et cʼest cette étape fondatrice que sautent les dollaramas en assemblant à la va-vite un pictogramme, une typographie et une couleur, tous puisés dans une banque dʼéléments graphiques préconçus.
Oui, mais combien devrait coûter un logo? Cʼest une question que nous nous sommes tous fait poser et qui vient légitimement à la bouche du public, tiraillé entre les logos-à-cinq-piasses et les annonces selon lesquelles telle compagnie a investi des centaines de milliers de dollars dans sa nouvelle identité. Et cʼest une question impossible. Ma réponse est habituellement quʼun logo coûte les heures que sa conception exige.
Évidemment, un acte de création nʼest pas un exercice comptable. Mais si votre logo vous coûte cinq dollars, cʼest quʼil vaut cinq dollars. Êtes-vous vraiment prêts à envoyer ce message à vos clients?