Hier soir, c’était le Jour de la Terre, mais aussi le retour du Cabaret des auteurs du dimanche. Le thème était pruneau. Voici le texte volontairement désagréable que j’ai lu et qui a fait un beau frette.
Je vais tout de suite mettre quelque chose au clair : je suis pas là pour me faire haïr. Mais je vais essayer.
Vous êtes ouverts d’esprit et convaincus d’avoir zéro tabou? OK. Alors si on parlait de votre immaturité alimentaire?
Je vous regarde et je vois des enfants hyperactifs qui veulent leur chocolat mais pas leurs brocolis parce que c’est paaaas bon! Si je vous dis que la poutine est du junk, vous allez sauter dans la colère ou le déni. C’est correct, c’est les deux premiers stades du deuil. Un jour, peut-être, vous comprendrez que votre corps mérite mieux qu’un mélange indigeste de trois mauvais ingrédients.
Vous mangez comme des bébés. Vous avalez la boulechite du marketing agroalimentaire qui dit que se nourrir c’est pas un besoin physiologique mais un réconfort. Un plaisir facile, qui concerne juste vos papilles et votre pseudo-bien-être. Elles ont 5 ans d’âge mental, vos papilles, elles se foutent complètement de ce qui arrive une fois qu’elles ont joui! Passée l’extase chimique, tout s’évacue dans cette sombre poubelle qu’est l’œsophage. Vite, de la place pour autre chose!
Je sais, vous respectez religieusement le Guide alimentaire canadien et ses quatre groupes : le salé, le sucré, le chimique et le gras.
Vos grands-parents ont connu la grande noirceur et la peur de manquer, alors ils outremangeaient. Vos parents ont adopté le tout-chimique, parce qu’une usine, c’était plus rassurant qu’un potager. L’Homme avait vaincu la Nature. Mais vous, là, ça vous tenterait pas de faire la paix avec votre nourriture? You are what you eat, quelqu’un?
On n’est plus à l’époque où les riches mangeaient pendant que les pauvres crevaient. Aujourd’hui, les riches mangent pendant que les pauvres bouffent.
D’ailleurs, IGA résume super bien l’air du temps avec son slogan très classe : «Vive la bouffe». Laissons la nourriture aux snobs et célébrons les affaires louches qu’on se met dans la gueule et qui sont en spécial dans la circulaire!
Parce que vous exigez que ça «goûte le ciel», l’industrie vous fourgue des exhausteurs de goût, surtout l’aspartame et le glutamate. Ça tombe vraiment bien : le premier serait à l’origine de cancers et de naissances prématurées, et l’autre est soupçonné favoriser la dégénérescence du cerveau et d’augmenter les risques d’Alzheimer! Vous allez donc mourir de malbouffe, mais vous vous rappellerez plus pourquoi!
Je peux vous le dire parce que j’ai rien à vendre : vous confondez plaisir et orgie. Si «fêter», c’est s’empiffrer et se soûler, il y a peut-être un autre genre de vide à combler?
Le dieu sucre. En guise d’églises, vous lui avez bâti des cabanes. Un petit conseil, en passant : mangez des fibres. Parce qu’après le temps des sucres, c’est le temps des selles!
Et LE BACON! Tout est tellement meilleur avec du bacon! Le bacon, c’est l’amour, le vrai, celui du cœur. Parlant de cœur, vous savez ce que le bacon fait à vos artères, huh? Il les aime, il leur fait un gros gros gros câlin!
Vous êtes pas tannés de vous faire engrosser par la bouche? C’est quoi, les plus grosses fortunes de l’«alimentaire»? La numéro 1 vend surtout du sucre et de l’huile. La deuxième, c’est Coca-Cola, vous savez, le truc qui sert à dérouiller des clous? Me-noum.
Pourquoi tous les gars ont une bédaine de bière dès 25 ans? Parce que ça prend deux heures de hockey pour compenser les calories d’une seule «petite» bière. Alors extrapolez : deux bières, trois bières, cinq bières… Là, je vous entends me dire «ma blonde, elle la trouve cute, ma petite bédaine…» Hum. On parlait de déni?
Mais y’a pire. L’autre soir, j’étais à un party de créatifs à la SAT. Le bar tournait full pin, il y avait des stands de bouffe «urbaine». Des burgers réinventés. Des kébabs déstructurés. Des salades hipsters. Mais qu’est-ce qui excitait ce beau monde? Le bar à bonbons! Les dents m’en tombent.
La réponse à la malbouffe, c’est pas le sans gluten, ni le paléo, ni le low-carb. Mûrir, c’est pas faire attention à ce qu’on mange, c’est SAVOIR POURQUOI on mange. Spoiler alert : pour rester en vie. «Faire attention à son alimentation» est une absurdité. Après vingt siècles de civilisation, on devrait en être rendus à produire/acheter de la nourriture qui se peut, plutôt que se faire décerveler d’un bord par des fabricants de nananes toxiques, et de l’autre par les pushers de diètes. On devrait avoir compris que manger, c’est pas une récompense ni une vengeance. Qu’une émotion, ça se mange pas : ça se communique. Qu’échanger un bon comportement contre un pogo, que priver un enfant de dessert, c’est créer des associations malsaines dont le kid ne se défera peut-être jamais. On devrait faire la paix avec ce héros méconnu qu’est notre tube digestif. Et être adultes, pas au sens beige : adultes au sens en contrôle de notre shit.
Si tu crois être à l’écoute de ton instinct quand tu manges l’immangeable, j’ai un conseil pour toi : écoute mieux. La merde est supposée sortir de toi, pas y entrer. Mais bon, il faut bien se faire plaisir de temps en temps, comme disait le chihuahua en zignant la jambe à grand-maman.
Votre immaturité alimentaire m’a flabergasté à chaque fois que vous avez décidé que votre entraînement vous donnait droit à un sac de chips ou à un kilo de crème glacée. Mais vous vous êtes surpassés dans vos lendemains de brosse, quand vous avez gémi que votre corps réclamait du gras et du salé. Ça là, c’est de la mythomanie gastrique.
Mais je suis qui, moi, pour vous dire tout ça? Prenez donc vos infos chez les vrais spécialistes. Ça tombe bien, les nutritionnistes passent même à TLMEP! Ils vous confirmeront que les régimes miracles, c’est de la connerie, comme les détox et les superaliments. Le pruneau, lui, contient de la vitamine A, C et B6, du calcium, du fer et du magnésium.
Vous me trouvez baveux? Au moins, ma bave est sans gras trans ni OGM!
[…] terminant, je vous laisse sur ce texte pertinent qu’Olivier Bruel a partagé à propos de l’immaturité […]