L’automobile, piège de rêve et de chrome, est peut-être en train de vivre ses dernières décennies. La planète agonise, les mentalités évoluent lentement et la société change. Malgré l’impressionnante inertie de l’homo-bagnolus et de son maître l’industripétrolièrosaure, quelque chose est en train de se passer.
L’industrie automobile sort du déni pour réaliser qu’elle doit changer de paradigme. Pas pour notre survie, mais pour la sienne. Des véhicules sans pétrole, autonomes, partagés; un futur enfin durable et plausible.
Le mouvement s’incarne dans de toutes petites choses. Puisque les logos sont mon sujet d’étude de prédilection, je m’amuse à tenir le compte de ceux qui se «déchroment».
Depuis la fin des années 1980, le nec plus ultra en matière de logos automobiles, c’était le chrome, parce que le chrome fait partie de l’ADN de la bagnole. Au milieu des années 2000, un pic est atteint : les outils graphiques et les moyens de reproduction numériques jettent les limites techniques aux poubelles de l’histoire. On peut désormais tout faire et tout répliquer. Profitons-en pour mettre des reflets, des ombres et des transparences partout, chantent en chœur les créatifs. C’est normal et sain de connaître les tendances et de les épouser : elles font partie de l’histoire des arts visuels, elles donnent parfois des chefs-d’œuvre et illustrent des moments particuliers. Et puis elles passent.
Inutile de jeter le blâme sur le flat design, il passera, lui aussi. Et puis ce sera autre chose, pour d’autres raisons. The circle of life, dude.
La mode des logos chromés est passée depuis plusieurs années déjà, mais il faut comprendre qu’un rebranding est une opération lourde et coûteuse pour une industrie manufacturière, ce qui explique que le rafraîchissement de ces logos s’étale sur plus d’une décennie.
Les constructeurs automobiles les plus prudents se contentent donc d’appliquer la recette simple du flat design qui consiste à éliminer les effets de relief, de texture et de lumière afin d’atteindre la platitude désormais providentielle.
Les plus ambitieux en profitent pour faire évoluer l’aspect formel de leur logo. Après tout, un redesign n’est pas une chose fréquente, alors autant en profiter pour mettre graphiquement à jour la vision de l’entreprise.
Ce mouvement ne sera pas achevé tant qu’il restera des marques pour se partager l’humiliation de traîner encore un logo chromé en 2020 : Buick, Chevrolet, Daimler, Land Rover, Mazda, Smart et Subaru, pour ne citer que les plus visibles.
(Mise à jour – septembre 2022)