Avec un peu de retard, j’ai visionné l’entrevue d’Hélène Boudreau à Tout le monde en parle.
Pour les touristes, je résume en une phrase ce que j’ai retenu de l’« affaire » : une étudiante en arts visuels pose à demi nue avec le logo de l’UQÀM, se fait poursuivre par l’université, suscite un mouvement de soutien, puis obtient plus ou moins gain de cause. Une anecdote qui, sans le côté crunchy, serait passée sous le radar.
Si je reviens là-dessus, c’est pour tout ce que cette histoire aurait pu être. Aurait dû être.
Dimanche soir, TLMEP et son million de fidèles ont frôlé l’abîme, sont passés à un poil pubien de se faire parler de l’ultime tabou : l’art visuel.
Quelle occasion manquée!
Imaginez une plasticienne défendant avec passion sa position contre une institution paternaliste (je suppose), ouvrant le débat, à une heure de grande écoute, sur l’art et la subversion, sur le féminisme militant, sur le libre choix des individus dans un régime capitaliste, sur l’inégalité de genre dans la nudité des corps, sur la frontière entre l’érotisme et la pornographie, sur la marginalisation hypocrite des travailleuses du sexe, sur les frais de scolarité exorbitants, sur la prostitution virtuelle, sur l’ouverture obscène de nos lieux d’apprentissage aux entreprises privées, sur le sens que porte un logo (mon sujet chouchou), sur ce que signifie d’être une jeune femme affranchie en 2021. Ajoutez à ces sujets ceux qui vous mettent en mouvement.
On peut toujours se bercer d’illusions, mais cette émission n’est pas le théâtre de ce débat rêvé, surtout depuis que le direct oblige les garde-fous à parer précipitamment à toute menace de dérapage.
Et puis, surtout, l’invitée n’était pas armée pour porter la parole d’une quelconque cause dépassant la circonférence de son aura de star du web payant. Sa cause était là, tout entière assise sur son tabouret.
N’est pas Louise Bourgeois qui veut. N’est pas non plus Frida Kahlo, Niki de Saint Phalle, les Guerilla Girls, Olympe de G., Judy Chicago, Miss Tic, Patti Smith, Nalini Malani, Nicky Marais, Joy Harjo et tant d’autres. Qui sont ces inconnues qui ne passent pas à la télé, vous demandez-vous? Et d’abord, sont-elles dûment diplômées de l’UQÀM et certifiées compétentes? Pour le savoir, il faudrait faire acte de curiosité, ouvrir nos yeux, explorer leurs œuvres, écouter leurs paroles et leurs silences.
S’intéresser au sens profond de l’art, pour une fois.
Parce que personne n’en parle.