Fort faibles

Décidément, cette pandémie nous en apprend beaucoup sur l’humain, individuellement et collectivement. C’est le propre des événements disruptifs, qui nous sortent de force de notre routine confortable et nous obligent à nous composer une attitude face à une situation inédite.

Je suis un simple citoyen qui essaie de voir clair. J’observe de près ce qui se passe au Québec, mais ma position me permet de garder un œil sur le Canada anglais, un autre sur les très bruyants États-Unis, et, bien sûr, un dernier sur la France, ma mère-patrie-si-loin-si-proche. Oui, ça me fait quatre yeux, bouh, je suis une araignée!

L’intelligence collective, celle qu’on appelle de nos vœux depuis si longtemps pour éviter le prophétique cataclysme, existe bel et bien. On peut même dire qu’elle est partagée par la majorité. Mollement, mais sincèrement.

Mais elle cohabite avec une autre attitude, qui n’a pas besoin d’être majoritaire pour nuire. Une attitude qui ralentit le groupe, comme on dit. Une attitude qui pourrait mettre son logo de commanditaire officiel sur la deuxième vague.

Une attitude incarnée par des pseudorebelles, qui ne forment pas un bloc monolithique mais une constellation. S’y mélangent les anti-masques, les conservateurs, les Trumpettes, les Qanons, les néonazis, les jambons, les évangélistes, les vlogueurs fâchés, les simples citoyens confus, et beaucoup d’autres. On le voit, beaucoup d’entre eux ont en commun de se reconnaître dans une idéologie de droite dure, celle du chacun pour soi. Il y a quand même quelques exceptions locales. En France, par exemple, je suis sidéré de voir certains de mes amis se rebeller face aux consignes sanitaires sous prétexte qu’elles émanent d’un gouvernement qu’ils considèrent illégitime. La désobéissance viscérale de mes ex-compatriotes est plus forte que le risque viral, j’aurais pourtant dû m’en douter.

Mais revenons à l’Amérique du Nord, qui n’a guère de leçons à donner. Ici, dans l’axe de négationnisme sanitaire qui s’étend de Donald Trump au centre-ville de Québec, les raisons ne manquent pas pour donner tort au consensus scientifique : c’est une conspiration des gouvernements, c’est juste une grippe saisonnière, on cherche à nous micropucer, le virus provient d’un laboratoire secret, faites vos recherches, les masques tuent, les porteurs de masques sont des moutons.

Et toujours cette idée sous-jacente selon laquelle les forts (les rebelles) s’opposent aux faibles (les conformistes).

Forts et faibles.

Les forts, dans leur fiction issue d’un superhéroïsme évangélique, se voient comme une armée parallèle formée de soldats qui comprennent la situation géopolitique bien mieux que vous et moi, et qui sont prêts à prendre les armes pour sauver le monde, quitte à se fabriquer des ennemis sur mesure – allô, les antifas!

Vous savez ce que je trouve faible? Ne pas avoir le courage d’écouter ceux qui savent depuis longtemps ce qu’est une pandémie – je parle bien sûr de la communauté scientifique –, et croire comme les pires des moutons à des scénarios complotistes totalement improbables. C’est vrai que le niveau d’instruction n’est pas le même entre les «forts» et les «faibles», les premiers n’ayant généralement pas eu l’occasion de former leur esprit à la pensée analytique et critique.

Je trouve faible d’ignorer le concept même de solidarité. D’oublier ce qui nous lie et décidera ultimement de notre survie ou de notre extinction.

Soyez donc forts en prenant la mesure réelle de la pandémie, plutôt qu’en vous cachant la tête dans des mensonges rassurants. Et restez chez vous.

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