Poing à la ligne

La saison d’automne du Cabaret des auteurs du dimanche démarre ce 20 septembre. Il était temps que je renouvelle l’affiche, voici un concept illustratif qui combine l’activisme, la scène et la plume.

affiche_cad_2015

Blues en phare bémol

Écrit, composé et interprété pour le Cabaret des auteurs du dimanche du 28 juin 2015, sur le thème «phare». Merci de votre indulgence pour le son et les jeux de mots approximatifs. Merci à mon indispensable Mireille pour son aide et sa caméra.

* * *

C’est un blues, un blues en phare bémol
Une romance pourtant bien phartie
Qui commence comme une farandole
Mais où je finis en dindon farci.

Je l’ai vue une nuit, danser dans mes phares
Une grâce éblouissante, mi fée mi farfadet
Pour mieux la fare monter dans ma Jaguar
J’ai baisé sa joue fardée… oh yeah.

La belle était anglo et venait de Fargo
Ça me rappelait un film noir farfelu
Quel exotisme pour moi qui suis Pharigot
L’amour est né sur un pharking de Jean Coutu.

Après la conquête, le sexe et la faribole
Nous filions tous deux le farfait bonheur
On atteignait le far-west sans boussole
J’étais au pharadis, j’vivais à 100 à l’heure.

Elle était ma reine, j’étais son pharaon
Je l’ai même présentée à mes pharents
J’aimais son corps, son âme et la farçon
Dont elle prenait mes farces en riant.

Comment suis-je alors devenu un fardeau?
Elle m’a dit : goodbye farewell, on se séphare!
J’ai aussitôt sombré dans la pharmaco
Elle m’avait quitté pour… une autre farme.

Branche de paresseux

branche

Voici le texte que j’ai lu sur la scène du Cabaret des auteurs du dimanche 14 juin, dont le thème était branche. C’est à lire avec un ton fâché.

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SILENCE! Le gros de la saison estivale s’en vient, nous sommes tous très occupés, je vous demande toute votre attention car je vais vous résumer les différents points abordés lors du comité d’administration de notre zoo.

Syndication. Pour la quatrième fois, la demande de syndication de notre consœur Brigitte a été rejetée. Raison alléguée : le syndicat ne peux affilier une femelle orang-outan, même si elle a signé le formulaire.

Ressources humaines. Nous passerons dès lundi une annonce pour trouver un nouveau gardien pour l’enclos des alligators. Le syndicat insiste sur le fait que c’est le cinquième cette année.

La grande volière. Nous avons eu plusieurs plaintes à cause du perroquet gris du Gabon, qui crie Go fuck yourselves, squareheads! J’ignore qui est le petit malin qui lui a appris ça, mais c’est inacceptable. Je vous rappelle que nous sommes un établissement canadien et que toutes nos communications doivent se faire dans les deux langues.

Les pintades. Quand vous quittez l’enclos, vérifiez qu’il est bien barré, sinon, on se croirait chez Wallmart un jour de Boxing day!

Les gerbilles. Les 3 gerbilles disparues la semaine dernières ont été partiellement retrouvées. Dans les serpents.

Les lamas. Bon. On ne prendra plus d’exemption pour les soins à donner aux lamas. Arrêtez de prendre tout personnel : ils sont comme ça avec tout le monde!

Les éléphants d’Afrique. Toujours pas d’activité sexuelle depuis février 2012. On aimerait bien que Pongo engrosse Perdita pendant qu’elle est encore fertile. C’est pas qu’on a trop de place dans l’enclos, mais on a besoin de visibilité et le zoo australien a pogné 500 000 clics sur YouTube avec sa naissance d’éléphant. Parlant de motivation, on va placer une boîte à idées dans le but de recueillir vos suggestions pour stimuler la libido de Pongo. S’il y a des dérives, il y aura des sanctions.

Les loups. On vient d’optimiser de 280% la fluidité de la circulation des visiteurs devant l’enclos depuis qu’on a posé l’écriteau PAS DE PROMENADES EN TRAINEAU. Franchement.

Les lions. Je passe personnellement plusieurs fois par jour devant le parc des lions. Le mâle dort 99 fois sur 100. La centième fois, il se lèche les couilles. Il y a des familles qui viennent ici pour admirer le roi des animaux : quelqu’un pourrait le briefer?

Les reptiles. Je tiens à faire taire les rumeurs : le caméléon qui vient d’arriver n’est pas «défectueux». Il est juste daltonien.

Les pingouins. Rappel pour les nouveaux : on IGNORE les appels au jeu.

Le tunnel des chauve-souris. C’est juste moi ou il y a un problème d’éclairage?

Secteurs boisés. Les équipes de travail ont été restructurées en plusieurs branches : les moins expérimentés s’occuperont des branches du haut.

Nettoyage. Plusieurs enclos puent, c’est dégueulasse. On va encore avoir des évanouissement de Japonaises cette année si aucun effort n’est fait. Nos pandas ressemblent à des ours noirs. D’autre part, un zèbre, ce n’est PAS brun et noir. On nettoie tout ça, ça presse!

Mascottes. On vous demande un peu plus d’enthousiasme. Personne ne fait la mascotte plus d’une demi journée par semaine, c’est quand même pas la mer à boire! Sachez seulement que des micros ont été placés dans les têtes depuis qu’on a eu des plaintes. On vous écoute!

Intervention. Les pompiers passeront mardi pour décrocher notre paresseux Yoda. Comme c’est la 37e fois qu’on les appelle, ils menacent de nous facturer chaque visite. De son côté, notre CA est en train de calculer ce que coûterait une échelle assez haute pour atteindre la maudite branche où Yoda va toujours se suspendre.

«Carnet rose». Trois bébés hyènes son nés vendredi, la mère et les petits sont en parfaite santé. Vous savez que c’est un évènement rare. Personnellement, je n’ai pas été aussi ému depuis la naissance de mes filles.

Nouveau règlement. Les selfies sont désormais formellement interdits près du parc à autruches. Nos pensionnaires ont toutes avalé au moins UN iPhone de chaque génération. Et quand ça sonne en pleine nuit, ça réveille tout le monde.

Encadrement. Les stagiaires, vous passerez à mon bureau. Je vous ai acheté un gros paquet de consonnes. Comme ça, vous arrêterez de dire les insec’, les tig’, les our’, les louttes, les zèb’, les chèv’, et les buf’.

Boutique. C’est pas un secret, c’est avec les produits dérivés qu’on fait un peu de profit. Je demande encore une fois qu’on dirige (discrètement) le flux des visiteurs vers la boutique. Les t-shirts de loups et les affiches de lions sont en chute libre, mais les jeunes sont incapables de résister à nos étuis de iPhone couleur fesse de babouin.

Financement. Le gouvernement fédéral apprécie notre effort de conservation et renouvelle sa subvention malgré les coupures. En contrepartie, le ministère nous demande si (hum!) «quelques uns des résidents du parc zoologique pourraient se voir attribuer une carte d’électeur avant le prochain scrutin». Comme on avait refusé leur suggestion d’Arche de Noé pour célébrer «les 3000 ans de la Terre», on n’aura pas vraiment le choix de dire oui cette fois-ci.

Relations internationales. Le Congo demande s’il nous resterait un rhinocéros blanc. Ne riez pas, c’est tragique.

Médias sociaux. Nos experts essaient d’expliquer l’échec de notre campagne virale basée sur le hashtag #ornithorynque. Nous sommes décidément malchanceux, après le lipdub raté sur la chanson Ça fait rire les oiseaux et la vidéo controversée où Hitler se fâchait contre les macaques…

Activités de groupe. Comme l’an dernier, le party de Noël aura lieu sur la banquise polaire et on demande d’éviter les biens comestibles lors de l’échange de cadeaux. Personne ne veut revivre l’intoxication du morse aux rochers Ferrero. La Saint-Valentin sera fêtée dans la volière, Pâques se fera chez les autruches, et l’Halloween dans le coin des mygales. Des questions?

Alors au travail!

Au revoir, Monsieur.

oui

Jacques Parizeau est mort. Le Québec est officiellement en deuil.

Si j’ajoute mon hommage de nobody, c’est qu’en réfléchissant à ma perception de ce Monsieur, je réalise qu’elle se confond avec ma conception de la cause indépendantiste. Je m’explique.

Il y a 15 ans, j’ai débarqué sans y être préparé dans un Québec post-référendaire qui ressemblait à un lendemain de veille. Le camp «séparatiste» avait à mes yeux l’allure d’un club de vieux fêtards chaudasses incapables d’assumer leur deuxième défaite. Et Parizeau, c’était le mononcle alcoolique et raciste : sa phrase sur l’argent et les votes ethniques, LA PHRASE DE LA HONTE, tournait en boucle. J’étais venu profiter d’un multiculturalisme fonctionnel, qui étaient donc ces bouffons qui voulaient m’en priver?

Le fédéralisme est une position qu’on adopte par défaut quand on ne comprend pas ce pays. Oui, j’ai dit pays.

Dans les années qui ont suivi, j’ai essayé de m’immerger dans la culture et l’histoire récente du Québec, et j’ai vu ressurgir la figure de Parizeau sous un angle complètement différent : celui d’un homme puissant, intelligent et incroyablement fidèle à ses convictions. Un bâtisseur. Un leader. Un gêneur.

Dans la foulée, j’ai pris la mesure de la vision souverainiste : une simple question de survie, loin du jeu de frustrations, de rancunes et d’idées dépassées qu’on essaie de nous faire avaler à longueur de médias. Je suis devenu un indépendantiste convaincu grâce aux Québécois, à Lévesque, à Bourgault, à Falardeau, à Loco Locass… et à Parizeau.

(Et un peu grâce à Harper et Charest.)

Rien n’est plus motivant que d’avoir à bâtir une société, et c’est douloureusement d’actualité.

La seule fois où j’ai vu Parizeau en vrai, c’était au congrès d’Option nationale en mars 2013. Pour un péquiste étriqué, ce serait probablement un acte de trahison en bonne et due forme que d’aller faire un discours et serrer des mains dans le camps de ceux qui divisent le voteMD. Pour lui, c’était une question d’honnêteté. Et il a clairement signifié à l’assistance qu’il voyait en nous la relève de la cause. Parce qu’une idée, c’est pas mal plus vivant qu’une ligne de parti.

Pour ce rare modèle de conviction et d’intégrité, merci Monsieur.