
Mardi 25 février, nous avons refermé un grand et beau livre de conte de fée, un livre dont le titre est celui de ce billet. Notre lumineuse chienne, source perpétuelle de joie et de surprises, nous a quittés à l’âge vénérable d’environ 14 ans. D’après notre vet préférée, ça lui faisait environ 85 ans en âge humain.
Retour en arrière.
Une chienne errante est entrée dans nos vies à l’été 2012. Cette histoire méritait d’être racontée, et nous l’avons fait il y a quelques années, dans Urbania.
J’ai toujours adoré les chiens, mais j’ai attendu 46 ans avant d’en adopter un, une erreur de jugement comme seuls les humains savent en faire. Les 12 ans et 7 mois passés aux côtés – et parfois en-dessous – de Sencha m’ont appris une somme incalculable de choses et ont fait de moi un meilleur mammifère.

Par chance, le moment précis où une chienne errante, étiquetée « agressive » a décidé de nous faire confiance a été capté. C’est à 0:45 sur cette vidéo, qui est devenue virale juste entre nous (oui, c’est possible).
Nous lui avons donné le nom de notre rituel de thé quotidien. Sencha était de ces chiennes qui se méritent. À la première rencontre, que vous soyez humain ou canin, elle vous lisait le règlement à voix haute en s’assurant que vous ayez bien compris l’article 1 : c’était elle la boss. Une fois admis dans le cercle privé de ses adeptes, vous bénéficiiez de certains privilèges en échange du quart de votre lunch. Sencha était aussi svelte que gloutonne. Son hypervigilance brûlait tous les gras.
Sa beauté singulière de chien-pas-de-race nous a poussés à explorer le mystère de sa génétique, et nous avons fini par procéder à des tests. C’était une aventure en soi; je l’ai relatée dans ces deux billets.
Sencha ne se résume pas. C’était une créature solaire capable de mettre du bonheur dans les situations les plus diverses, surtout si ses humains n’étaient pas loin.

Elle portait quelques congénères canins dans son cœur, notamment Darwin, avec lequel elle jouait sans fin, son fidèle Bowie, avec qui elle aimait courir et nager, Odette, Oslo, Taylor, Brindille, Oréo, Pickle, Zoé, Newton, et bien sûr son cousin Dali.

Elle avait également des aptitudes rares, telles que le saut en hauteur (généralement induit par un écureuil), le chant, un penchant pour les bananes et la pastèque, le broutage d’herbe, la résolution de défis complexes, la chasse au tamia, et la capacité de séduire celles et ceux qui ne la connaissaient qu’en photo (you know who you are). À ce stade, vous avez certainement remarqué que les mots qui apparaissent en vert dans ce billet sont autant de liens vers des vidéos. Gâtez-vous!

Queen Babinou avait aussi un côté tendre et protecteur : elle s’assurait de notre bien-être comme la plus proche des aidantes.
À force de douceur et de renforcement positif, la demoiselle s’était attendrie et était devenue raisonnablement sociable, à notre grand soulagement.
Je pourrais parler d’elle pendant des heures sans réussir à la cerner entièrement. C’est une créature qui, malgré un début de vie difficile – incluant un abandon –, nous a rapidement adoptés. Je pense qu’on a honoré notre moitié du contrat en l’aimant à notre tour avec une intensité qu’on n’aurait pas crue possible. En plus, son dessus de tête sentait le gâteau.
Quelque chose comme la définition d’une âme-sœur.

Mais on avait beau la surnommer notre chiot éternel à cause de son allure juvénile et de sa santé infaillible, l’inquiétude s’est pointé le bout du museau en février 2023 sous la forme d’un diagnostic de maladie dégénérative de la valve mitrale. Elle avait un grand cœur, un trop grand cœur. En septembre 2024, c’est au tour d’un cancer métastatique au poumon de s’inviter dans son petit corps musclé. Théoriquement, elle n’aurait pas dû voir Noël, mais nous a fait la grâce d’être encore avec nous pour la Saint-Valentin.

Et puis tout s’est précipité. Perte de mobilité, refus de sortir, incontinence et manque total d’appétit – symptôme spectaculaire pour cette gourmande insatiable. La douleur l’a envahie, incarnée par des tremblements et une forme de torpeur. Après une dernière nuit réconfortante sur le sofa, collée à sa maman, nous sommes allés à notre l’hôpital vétérinaire et avons pris la déchirante décision de la libérer de ce corps défaillant.

Elle est encore avec nous, immatérielle. Pour toujours.
